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Avril 1990
Haro sur la radioactivité

A hautes doses

Désormais tous les coups sont permis. Car en septembre prochain, les Suisses voteront sur l'énergie nucléaire. Et pour les adversaires de l'atome, il s'agit de mettre les bouchées doubles. Après s'être fait la main avec les insectes mutilés et les trains radioactifs de Gösgen, ils passent à la vitesse supérieure. Et de jeter en pâture au public les "petites doses" d'irradiation qui auraient déjà fait des millions de victimes.

Dernière révélation sur les horreurs de l'atome: le nucléaire a fait en temps de paix 15,4 millions de morts et de handicapés graves! Qui le dit? L'Américaine Rosalie Bertell, que la Tribune de Genève présente comme une "scientifique spécialisée dans l'étude des faibles doses radioactives", et qui est venue parler en Suisse à l'invitation d'associations écologistes.

Le calcul est vite fait: cela représente une moyenne de 40 000 victimes par centrale nucléaire en activité dans le monde. Autrement dit les cinq centrales suisses auraient tué ou gravement mutilé plus de 200 000 de nos compatriotes. Et dire qu'on nous avait caché ça!

Entre-temps, on apprenait que cette "scientifique" était en fait une religieuse spécialisée en biométrie - autrement dit une statisticienne - plus connue aux Etats-Unis pour sa croisade antinucléaire que pour le sérieux de ses travaux. Elle appuie notamment sa démonstration sur des recherches faites en Inde, dans une région exposée à une radioactivité naturelle très élevée. On y aurait découvert des taux de malformations congénitales supérieurs à la moyenne, et à partir desquels elle a extrapolé les dégâts de la radioactivité à l'échelle mondiale...

Il y a près de deux ans, une autre Américaine avait présenté en Suisse une série de conférences publiques sur le même sujet. Comme elle n'annonçait pas l'apocalypse, ses propos n'avaient guère intéressé nos médias. Or la physicienne Rosalyn Yalow, professeur à l'Université de New York, avait obtenu le Prix Nobel de médecine pour ses travaux sur les effets biologiques des faibles doses radioactives.

Que disait-elle? Que des milliers d'hommes et de femmes sont en contact quotidien avec des substances radioactives dans le monde pour des raisons professionnelles ou médicales. Et qu'ils sont l'objet d'une surveillance et de contrôles statistiques très poussés qui permettent de tirer des enseignements suffisamment significatifs.

"Eh bien, affirme Mme Yalow, il ressort de ces statistiques, consignées depuis plusieurs dizaines d'années, que les faibles doses d'irradiations issues de la médecine, des installations nucléaires et d'autres applications industrielles n'affectent pas la santé humain".

Et qu'en est-il des effets génétiques des radiations? Là aussi, les statistiques ne manquent pas. Mme Yalow a notamment étudié le cas des enfants nés de survivants des bombardement d'Hiroshima et de Nagasaki. Elle et de nombreux autres chercheurs ont ainsi constaté que les quantités nécessaires pour produire des altérations génétiques se situaient vers 150 000 millirems, soit une dose 300 fois supérieure aux irradiations moyennes que nous subissons en Suisse du fait de la radioactivité naturelle, des applications médicales et de l'activité des centrales nucléaires.

Autrement dit, aucune augmentation des affections cancéreuses n'a été constatée du fait de l'utilisation contrôlée de la radioactivité. Ce constat clair, dûment chiffré, de la physicienne américaine a été corroboré par plusieurs études conduites sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé.

Invisibles et inodores, les radiations conservent une aura de mystère qui favorise la propagation des rumeurs les plus saugrenues et les plus alarmistes. Leurs effets sur la santé humaine sont pourtant bien connus. Preuve en est la très large utilisation de la radioactivité dans la médecine. Ces substances, que certains veulent faire passer pour le diable, permettent chaque jour d'identifier et de soigner de très graves maladies. Des millions de vies humaines ont été sauvées grâce à la radioactivité.

Mais il est clair qu'à partir d'un certain seuil, celle-ci peut présenter des risques. Quels sont-ils? Prenons comme référence le millirem (mrem), qui exprime une dose reçue par un organisme. Au-dessus de 600 000 mrem, une irradiation est pratiquement mortelle dans la quasi-totalité des cas. Entre 200 000 et 600 000 mrem, le taux de mortalité varie avec la dose. En dessous de 200 000 mrem, l'irradiation n'est pas mortelle et la guérison généralement complète.

Les statistiques réalisées sur des grands nombres de personnes irradiées naturellement et artificiellement ont révélé que des effets négatifs sur la santé humaine n'étaient décelables qu'à partir de doses d'irradiation de 50 000 à 100 000 mrem. Pourquoi, alors, les doses légales ont-elles été fixées à des taux de 5000 mrem pour les personnes exposées professionnellement, voire, en Suisse, à 500 mrem pour la population?

Tout simplement parce qu'il est possible de travailler avec la radioactivité dans ses diverses utilisations (médecine, industrie, énergie) en maintenant les limites de l'irradiation à ce seuil extraordinairement bas. Si l'on appliquait à la pollution de l'air les mêmes critères de sécurité, il y a belle lurette que nos villes devraient être évacuées en permanence.

Eclairage
Un siècle de radioactivité
"L'utilisation de la radioactivité en médecine a probablement permis de sauver plus de vies humaines au cours du dernier siècle que toutes les guerres ont fait de morts pendant cette même période". Telle est la conviction du Dr André Flückiger, président du Groupement des radiologues FMH de la Société vaudoise de médecine. Il s'exprimait dans le cadre de la commémoration du 100e anniversaire de la découverte des rayons X par Wilhelm Conrad Röntgen.

Les applications médicales de cette découverte retentissante furent immédiates, et la première radiographie de la main de Madame Röntgen stupéfia le monde. Dès janvier 1896, en Suisse, on utilisa cette technique pour repérer un fragment métallique dans la main d'un blessé.

La radiographie médicale dans ses multiples facettes - le radio–diagnostic général et spécial, le scanner, la radiooncologie (traitement des tumeurs malignes), la médecine nucléaire utilisant les isotopes radioactifs au service du radiodiagnostic et du traitement des maladies, la radiobiologie qui étudie les effets des radiations sur les tissus vivants et la manière de s'en protéger - sauve quotidiennement des dizaines, voire des centaines de milliers de vies. La radio-physique, la radiobiologie, la radiochimie, les accélérateurs de particules (électrons, neutrons) ou le cyclotron sont également au service des malades.

La radioactivité n'est pas le diable que certains s'efforcent de peindre sur la muraille pour mieux atteindre leurs objectifs économiques et politiques. C'est un phénomène aujourd'hui bien connu, et si bien maîtrisé qu'on peut l'utiliser de manière très pointue dans des domaines les plus divers, tels la médecine, l'énergie, l'industrie ou l'agriculture. Doit-on rappeler ici que, par exemple, un centimètre cube d'uranium permet de produire autant d'énergie que cinquante wagons citernes remplis de pétrole ou de charbon, et sans provoquer de pollution de l'air?

Merci à Röntgen et aux femmes et aux hommes de sciences qui, parfois au péril de leur vie, ont œuvré à la maîtrise de la radioactivité, ce formidable outil du progrès médical et industriel!

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