
La maîtrise de l'infiniment petit
Politiquement incorrect
L'une des plus belles réussites des milieux antinucléaires, en matière de désinformation, est d'avoir réussi à accréditer l'idée que cette énergie était un obstacle majeur à la protection de l'environnement.
Qu'en est-il en réalité?

Il n'est pas question de nier les risques potentiels de cette technologie. Cela étant, la radioactivité est un phénomène aujourd'hui parfaitement connu. La maîtrise de l'infiniment petit nous permet d'utiliser ses avantages en médecine, dans l'industrie et pour la protection de l'environnement. Tout comme on sait se protéger de ses effets, dans les centrales, par la mise en uvre de plusieurs barrières successives.
La nouveauté réside surtout dans les soins avec lesquels ce type de déchets est isolé de notre environnement et dans les exigences de sécurité imposées. Des solutions existent. La Suède a créé des sites de stockage hermétiques. Une fois les blocages politiques levés, la Suisse pourra construire les siens.
De fait, l'énergie nucléaire présente des avantages considérables en matière d'environnement. A commencer par sa densité énergétique: un seul gramme d'uranium 235 se substitue à une, voire à deux tonnes de mazout ou de charbon, tout en évitant le rejet dans l'atmosphère de trois à six tonnes de CO2 et d'autres gaz toxiques.
Comment expliquer, face à ces atouts incontestables, la campagne de dénigrement systématique, parfaitement orchestrée à l'échelle internationale, contre cette technologie? Elle est en fait de nature essentiellement économique.
Ainsi, chaque centrale nucléaire en activité - il y en a 435 dans le monde qui couvrent à elles seules 17% de la production d'électricité - représente un manque à gagner annuel de plus de 100 millions de dollars pour les énergies concurrentes. Dès lors que l'économie de plusieurs pays est suspendue au cours du baril de pétrole et que le seul débouché important des mines de charbon réside dans la production d'électricité, on ne doit pas vraiment s'étonner de la force de frappe et de la cohésion planétaire du mouvement antinucléaire.
Cette situation pourrait toutefois changer sous l'effet de la menace climatique. Le Texas vient d'être durement frappé par une météo de plus en plus fantasque. Après une sécheresse exceptionnelle qui a réduit les terres agricoles à l'état de sable, cet Etat - par ironie du sort le centre nerveux de l'industrie pétrolière américaine - a subi des inondations tout aussi dévastatrices, avec des pertes humaines.

Ces catastrophes, auxquelles s'ajoutent des typhons de plus en plus violents et meurtriers, sont attribuées par des spécialistes à l'accumulation des gaz à effet de serre. Un fait qui n'est peut-être pas étranger au regain d'intérêt, attesté par plusieurs sondages, que suscite l'atome dans l'opinion publique américaine. Car il faut être clair: le nucléaire, avec l'hydraulique, est la seule source d'énergie abondante qui n'émet pas de CO2. La controverse qui agite actuellement notre pays n'est pas inintéressante. Mais c'est bien aux Etats-Unis que se décidera en fin de compte l'avenir de l'énergie nucléaire.
Notre fédération a toujours défendu le principe d'un recours équilibré à l'énergie nucléaire. Cette attitude, basée sur des convictions scientifiques et économiques solides, est ingrate. Elle n'est pas dans le vent. Elle n'est pas politiquement correcte. Il est évident que nous figurerions beaucoup plus souvent dans les médias si nous exigions que l'on porte la part des énergies renouvelables à 20 ou à 30% de l'approvisionnement du pays.
Nous voudrions bien, parfois. Nous sommes des êtres humains, et c'est sûrement bien agréable de se retrouver de temps en temps à la une de la presse en des termes élogieux. Mais nous sommes redevables à nos membres d'avis réalistes, sérieux et responsables sur les questions que nous abordons. Le nucléaire a fait ses preuves. Une technologie qui permet de produire avec un kilo de combustible autant d'énergie qu'un million de kilos de pétrole ou de charbon, voire deux à trois fois plus en retraitant le combustible, et sans provoquer la moindre pollution atmosphérique, a sa place dans notre monde.
Mais nous sommes aussi d'avis, au sein de notre fédération, que la force nucléaire est plus que cela. Elle participe au progrès de la science, contribue à l'éclosion d'une industrie plus légère, moins polluante. La radioactivité, bien contrôlée, offre des services incomparables dans la médecine, l'agriculture et dans plusieurs technologies de sécurité.
Notre fédération est particulièrement attentive à ces différents développements. Elle souhaite que la Suisse, qui a acquis un excellent savoir-faire dans plusieurs de ces domaines, ne se ferme pas à l'avenir. La peur du progrès est l'un des principaux ferments de certains idéologues qui voudraient ramener notre pays à l'état de réserve d'indiens. Il est essentiel d'offrir aux nouvelles générations des chances de croître dans une société ouverte, inventive, qui a foi dans la capacité de l'homme à se lancer des défis et à les relever.
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