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Décembre 2001

"Le
climat est sauvé!" commentait un
quotidien alémanique au lendemain de la signature
de laccord de Bonn. Politiquement correct oblige.
Mais il aurait tout aussi bien pu titrer "La grande
illusion", tant il est clair que les rejets de
gaz à effet de serre vont continuer de croître
au cours des décennies à venir, et même
dans des proportions considérables.
Le débat sur le gaz carbonique est purement déclamatoire.
Dans la réalité, les rejets augmentent
partout. Chaque année, il se met en service dans
le monde une fois et demie léquivalent
du parc de production suisse en centrales à combustibles
fossiles. Le triomphe du CO2 est irrésistible.
C'est un paradoxe! Plus les nations considèrent
les changements climatiques comme un sujet de préoccupation,
plus la situation s'aggrave. Et les événements
qui vont se succéder prochainement ne changeront
rien à l'affaire. Alors que l'Union européenne
met au point un marché des "permis d'émission",
les mauvaises nouvelles s'amoncellent.
Les pics de CO2
Ce printemps, George W Bush annonçait l'abandon
du protocole de Kyoto. Plus récemment Enerdata,
un bureau d'études grenoblois a compilé
les statistiques d'émissions de carbone du secteur
énergétique mondial. Et les résultats
sont franchement mauvais. Durant la dernière
décennie, les rejets de C02 du secteur énergétique
ont progressé de 7%. Et encore cette performance
est-elle atténuée par le tassement de
l'économie des pays de lest européen.
Quelles sont les raisons d'un tel fiasco? La croissance
de la demande d'énergie, tout d'abord. Malgré
la crise asia-tique et l'envolée des prix des
hydrocarbures, la consommation a progressé de
11% au cours des dix dernières années.
Le Moyen-Orient et l'Asie se taillant des parts du lion
avec, respectivement, des hausses de 46% et 32%. Ces
chiffres sont encore plus impressionnants dans le domaine
de lélectricité.
En dix ans, la demande en énergie électrique
a augmenté de 73% en Asie, de 61% au Moyen-Orient,
de 31% en Amérique et de 21% en Europe occidentale.
L'autre grande explication est la totale soumission
des politiques énergétiques des pays signataires
de la Convention sur les changements climatiques à
la conjoncture. Pas question dentraver la bonne
marche de léconomie, à plus forte
raison au moment où elle commence à donner
des signes de faiblesse.
Bonn pour rien
Globalement, malgré les discours lénifiants,
la tendance nest pas prête de sinverser.
Pour une raison simple: à léchelle
mondiale, le renouvellement du parc de centrales électriques
repose pour 80% sur les combustibles fossiles. Il se
met en service chaque année près de 11
000 mégawatts de puissance électrique
dans des centrales à gaz, charbon ou mazout.
Cest une fois et demi la capacité de production
de la suisse. La contribution des autres sources, y
compris léolien dont on parle partout,
traîne loin derrière.
Au lendemain même de laccord in extremis
de Bonn, on apprenait de source fiable que les objectifs
fixés aux pays industriels par le protocole de
Kyoto ne seront pas tenus. Le 2 août, Klaus Toepfer,
le directeur général du Programme des
Nations unies pour l'environnement, affirmait que l'accord
de Bonn "ne permettrait pas de faire baisser de
5,2% les émissions des 38 pays de l'annexe 1,
d'ici à 2012". Information, soit dit en
passant, passée sous silence dans la presse suisse.
Comme pour lui faire écho, un autre directeur
général, de l'Agence européenne
de l'environnement, a déclaré lors d'une
université d'été que l'Espagne
ne pourrait pas respecter les quotas (pourtant très
favorables) fixés par l'Union européenne.
"LEspagne ne devrait accroître ses
émissions que de 15% dici à 2012
par rapport aux rejets mesurés en 1990 Or, elle
les a déjà accru de 25% et devrait atteindre
30% d'ici peu", a précisé Domingo
Jiménez Beltran.
Irréversible
Et le cas espagnol n'est pas exceptionnel. Une majorité
de pays appelés à réduire leurs
émissions de gaz à effet de serre font
exactement le contraire. Selon les statistiques américaines
de lAgence internationale de lénergie,
seuls deux pays industriels (l'Allemagne et la Grande-Bretagne)
ont réduit leurs émissions de dioxyde
de carbone entre 1990 et 1999.
Et l'avenir ne s'annonce pas meilleur. Toujours selon
la même source, aucune de ces nations ne diminuera
ses rejets au cours des vingt prochaines années.
A quoi sajoutent certains pays, tels la Chine,
l'Inde, le Brésil ou le Mexique, dont les objectifs
de croissance se traduiront par une hausse annuelle
moyenne de 3% à 4% de leurs rejets de gaz à
effets de serre au cours des deux prochaines décennies.
Croit-on vraiment, comme le soulignait le Financial
Time dans une récente édition, que des
pays comme la Chine et lInde voudront satisfaire
leurs immenses besoins en énergie, à coût
raisonnable, "au moyen des hideuses éoliennes
qui se répandent partout en Europe", alors
même que ces pays abritent dimmenses réserves
dhydrocarbures ?
Arrières-pensées
Il est un autre aspect de la question qui devrait nous
dissuader de toute illusion: les grands groupes pétroliers
investissent actuellement des centaines de milliards
de dollars dans la prospection et la valorisation de
nouveaux gisements. Croit-on vraiment, connaissant leur
pouvoir économique et politique, que ces compagnies,
une fois les barils mis à jour, se résigneront
à ne pas les exploiter parce que les ministres
de lenvironnement de lUnion européenne
le leur demanderont gentiment ?
En fait, tous ceux qui brandissent la menace climatique,
en tout cas les principaux dentre eux, savent
parfaitement que tout espoir de réduction des
émissions de gaz à effet de serre relève
du fantasme. Quel est alors la raison de leur acharnement
? Il faut savoir que le débat sur le climat est
entretenu à léchelle internationale
par les mêmes organisations dinspiration
écologiste qui sopposent aux énergies
nucléaire et hydraulique celles-là
même dont le développement constitue la
seule option réaliste pour réduire le
recours aux agents fossiles.
Virus princier
La contradiction est manifeste. Même si personne
ne semble sen offusquer. Seule explication plausible:
lépouvantail climatique vise en fait à
inspirer une peur générale de toute forme
de développement technologique et industriel.
Il faut sauver la Terre-mère de lemprise
dévastatrice de lhomme, rétablir
une société de type agraire et ramener
la population mondiale, comme lavait préconisé
en son temps Jacques-Yves Cousteau, à un milliard
dindividus.
Le grand "humaniste" français est en
bonne compagnie puisque le prince Philippe, président
dhonneur du WWF, déclarait lui aussi un
jour publiquement quil aimerait se réincarner
sous forme de virus pour contribuer à réduire
la surpopulation.
Une solution
Veut-on vraiment sauver le climat? Interdisons alors
à léchelle mondiale la construction
et la mise en service de toute centrale électrique
à combustible fossile, remplaçons les
installations vieillissantes par des centrales nucléaires
dans les pays industriels et hydrauliques dans les autres
régions du monde. Seconde mesure: linterdiction,
sauf exception, de chauffer les nouveaux immeubles avec
des agents fossiles, au profit du chauffage électrique
et de pompes à chaleur. Au bout de vingt ans
de ce régime, la pollution aura été
réduite dans des proportions considérables
et les émissions de CO2 diminuées de moitié
au moins. Il ny a pas dalternative. Mais
qui veut vraiment "sauver le climat"?
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