|
< Retour
à la liste des lettres

Septembre 1999

En obtenant l'arrêt de Superphénix,
Dominique Voynet croyait sans doute avoir rempli son
contrat et pouvoir jouir en toute quiétude des
délices de son pouvoir ministériel. Helàs!
Les sponsors internationaux des mouvements et partis
écologistes ont une autre ambition: le démantèlement
à terme, mais le plus rapidement possible, de
l'outil nucléaire français. Quelles sont
leurs chances de réussite?
Le principal objectif de l'acharnement antiatomique,
comme nous l'avons démontré dans de précédentes
lettres de l'énergie, est d'éliminer
le plus dangereux concurrent des agents fossiles et
d'affaiblir la capacité industrielle de l'Europe.
Aussi, jugeant que "Dominique" manquait de
détermination antinucléaire, les milieux
financiers anglo-saxons qui tirent les ficelles de la
nébuleuse verte (1) lui ont peu galamment jeté
"Dany" dans les jambes.
C'est donc Daniel Cohn-Bendit qui mène désormais
le bon combat contre le nucléaire français.
Il pourra compter, comme l'a démontré
la dernière campagne législative européenne,
sur le soutien sans faille de plusieurs médias
importants, à commencer par les quotidiens Le
Monde et Libération, ou la rédaction
d'Antenne 2.
La vie dure
Fort d'un tel appui et de son auréole de
Zorro de Mai 68, l'écolo franco-allemand a les
moyens de rendre la vie dure à Lionel Jospin.
Le Premier ministre avait imaginé, lui aussi,
qu'en lâchant Superphénix, il s'assurait
la neutralité bienveillante des Verts. Une illusion
qui en dit long sur l'incompréhension des gouvernants
européens quant aux objectifs réels du
lobby antinucléaire mondial.
Or voici que deux parlementaires, le RPR Robert Galley
et le socialiste Christian Bataille, viennent de confirmer
dans un rapport le bien-fondé de la stratégie
énergétique française des vingt
dernières années. Pour ceux qui prédisaient
le début de "l'hiver nucléaire",
ce document (2) fera l'effet d'un pavé dans la
mare. Le savoir-faire français et la sûreté
des installations étaient jusqu'ici incontestables.
Il restait à mesurer le coût, la compétitivité
et l'adaptation aux contraintes fixées lors du
sommet de Kyoto. C'est aujourd'hui chose faite.
Ecologiquement correcte
Entre 1978 et 1997, la France a engagé 500 milliards
de francs dans la recherche, le développement
et la construction nucléaires. Cet investissement
lui a permis d'économiser chaque année
l'équivalent de 88 millions de tonnes de pétrole,
soit 600 milliards de francs d'importations. Il faut
y ajouter les recettes issues des ventes de réacteurs
et d'électricité à l'étranger,
autrement dit, 316 milliards de francs au cours de la
même période. Ainsi, la facture énergétique
du pays a-t-elle été ramenée de
5,6% à seulement 1,3% du PIB.
Le recours à l'atome, qui assure aujourd'hui
près de 80% des besoins du pays en électricité,
s'avère donc très bon pour l'économie.
Il l'est également en termes d'emploi: à
production égale, le contenu en postes de travail
est de 60% supérieur à celui de la filière
à gaz. Il l'est encore en matière de sécurité
d'approvisionnement, puisque le taux de dépendance
énergétique du pays est descendu de 80%
en 1973 à 50% en 1997.
Insupportable
L'industrie nucléaire a un autre atout, insupportable
aux yeux de tous ceux qui oeuvrent à son élimination:
elle est écologiquement correcte. Elle a permis
d'éviter, depuis 20 ans en France, le rejet de
4,3 milliards de tonnes de gaz carbonique. Cet atout
est devenu fondamental depuis le sommet de Kyoto, qui
a fixé pour objectif mondial la réduction
des émissions de gaz à effet de serre.
Il apparaît aujourd'hui que l'énergie nucléaire
a été un pari risqué mais réussi,
grâce à la clairvoyance du général
de Gaulle et à la volonté de ses successeurs.
Elle reste plus que jamais une industrie d'avenir. Mais,
comme en conviennent les auteurs du rapport précité,
elle confère à la France une responsabilité
mondiale: son éveloppement doit s'accommoder
d'une transparence de tous les instants.
Elle suppose également de la part des pouvoirs
publics la volonté d'expliquer sans relâche
les enjeux de leurs choix énergétiques.
Tant que les gouvernants, par crainte ou par opportunisme,
omettront de dénoncer les arrière-pensées
et les véritables raisons de l'acharnement du
mouvement antinucléaire mondial, il y aura peu
de chance pour que l'atome puisse jouer à l'avenir
son rôle éminemment utile dans la diversification
énergétique et dans la protection des
équilibres climatiques.
(1) Voir la lettre de l'énergie
No 55 ("Requiem pour l'Etat-nation")
(2) "Rapport sur l'aval du
cycle nucléaire", tome 2, Office parlementaire
des choix scientifiques et technologiques, Paris.
Eoliennes: les leçons
du refus de Sainte-Croix
Comment, après des décennies de célébration
des énergies renouvelables, les citoyens de Sainte-Croix
ont-ils eu le front de refuser un projet d'installations
éoliennes sur leur territoire? Parce que cette
énergie, comme toutes les autres, présente
aussi des inconvénients dont les habitants de
la commune vaudoise ont pris la mesure.
L'énergie éolienne, une fois mise en oeuvre,
ne suscite pas un enthousiasme unanime. Après
des écologistes danois, qui énoncent l'enlaidissement
des plus beaux sites côtiers du pays, l'opposition
s'organise également en Allemagne. C'est ainsi
que le Tribunal administratif de Münster vient
d'interdire la mise en service de deux nouvelles hélices
géantes dans la région de Düren.
Ce verdict résulte d'une plainte déposée
par des habitants de maisons situées dans un
rayon de quelques centaines de mètres des éoliennes.
Ils énoncent notamment le bruit des installations
en service, ainsi que l'alternance de l'ombre et de
la lumière pendant les jours ensoleillés.
Cette alternance est qualifiée d'insupportable
par les riverains, dont certains ont fini par craquer
nerveusement.
Les opposants allemands à cette source d'énergie
avancent aussi des arguments d'ordre économique.
"Notre pays ne dispose pas des conditions optimales
pour l'exploitation de l'éolien", affirment-ils
en substance. Raison pour laquelle son développement
y est massivement subventionné pour des raisons
politiques.
Il apparaît aujourd'hui qu'en idolâtrant
les énergies renouvelables, on leur a rendu le
plus mauvais service possible. Entre les discours lénifiants
et la réalité, le gouffre est béant.
Le public ne comprend pas pourquoi, peu d'égard
aux formidables qualités qu'on leur a fait miroiter,
ces sources ne parviennent pas à s'installer
dans le paysage énergétique.
Ce décalage repose sur des éléments
quantitatifs. Dans les débats énergétiques,
on oppose souvent les agents renouvelables au nucléaire.
Encore faut-il pousser la comparaison jusqu'au bout.
Prenons l'exemple de la centrale nucléaire de
Gösgen. Elle produit 8 milliards de kilowattheures
par année au prix de 5 centimes le kWh, en occupant
une surface au sol de moins de 0,3 kilomètre
carré.
15 000 Mont-Soleil
Or, près de 15 000 centrales de type Mont-Soleil
(la plus grande installation existante en Europe) seraient
nécessaires pour produire 8 milliards de kWh
avec des cellules photovoltaïques, moyennant une
surface au sol de 300 kilomètres carrés
et un prix de revient du kilowattheure supérieur
à 1 franc. On pourrait produire cette même
quantité d'énergie avec 8000 éoliennes
de grandes tailles (40 mètres de hauteur, pales
de 20 mètres), compte tenu d'une occupation au
sol de 800 kilomètres carrés et d'un prix
de 30 à 50 centimes par kilowattheure.
On saisit mieux, à la lumière de ces chiffres,
pourquoi les énergies vertes peinent à
décoller. Ce qui n'enlève rien à
leurs qualités intrinsèques et à
la nécessité de poursuivre les efforts
de recherche et développement. Etant donné
les immenses surfaces nécessaires à leur
exploitation, l'avenir du solaire et des éoliennes
se jouera toutefois essentiellement sous d'autres cieux:
le solaire dans les régions très ensoleillées
et peu peuplées - du tiers-monde surtout - l'éolien
sur les sites côtiers régulièrement
balayés par les vents. Il y a là une excellente
carte à jouer pour la recherche et l'industrie
suisses.
< Retour
à la liste des lettres
|