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Mars 1998
La véritable mission
des ONG

Qu'y a-t-il
de commun entre l'énergie nucléaire et
le génie génétique? Pourquoi le
progrès scientifique et technique est-il combattu
sous des étendards divers avec une telle détermination
et avec autant d'efficacité? Ces questions nous
ramènent au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Dès les années 50, une élite financière
anglo-saxonne définissait une stratégie
à l'échelle mondiale qui reposait sur
le démantèlement de l'Etat en tant que
nation indépendante et sur la volonté
d'imposer à l'humanité tout entière
le retour à un stade préindustriel. C'est
ce que révèle aujourd'hui une étude
bien documentée et publiée par la maison
d'édition française Alcuin.(1)
Longtemps célébré comme un grand
humaniste, le philosophe et mathématicien Bertrand
Russel a, de fait, joué un rôle déterminant
au sein d'une phalange politique et scientifique en
vue de circonvenir, puis d'éliminer les Etats
en tant qu'entités souveraines. Sa stratégie
reposait sur un chantage à l'atome: la terreur
atomique visait à rendre la guerre trop coûteuse
pour être tentée. Le risque de déflagration
écarté, on pouvait dans la foulée
se dispenser d'une défense classique et, par
la même occasion, d'entretenir une industrie forte,
dont l'étranglement était l'objectif ultime.
Comme Russel l'exposa dans le Bulletin of Atomic Scientists
du 1er septembre 1946, le nouvel âge nucléaire
allait permettre non seulement d'éviter une nouvelle
guerre mais, surtout, de mettre en place une dictature
supranationale: "Il n'existe qu'une seule façon
d'empêcher de manière permanente les grandes
guerres, c'est l'établissement d'un gouvernement
international. J'entends un gouvernement qui gouverne
avec des pouvoirs réels, pas un leurre comme
la Ligue des Nations ou les Nations Unies."
La réussite de cette stratégie reposait
toutefois sur la concentration des pouvoirs dans les
mains d'une élite qui, aux yeux de lord Russel,
ne pouvait être qu'anglosaxonne. Aussi le
philosophe proposa-t-il, dans le même bulletin,
de bombarder préventivement l'Union soviétique
de manière à atteindre rapidement ses
objectifs ultimes.
Le rejet de cette proposition l'amena toutefois rapidement
à se satisfaire d'une structure mondiale bipolaire,
ce qui explique la bienveillance qu'il manifesta ultérieurement
à l'égard de l'Union soviétique.
Après tout, le communisme visait un même
objectif d'anéantissement des Etats-nations et
l'instauration d'une dictature mondiale. Il y avait
donc moyen de s'entendre.
Cette première ébauche de stratégie
basée sur le chantage à l'atome n'a que
partiellement réussi. L'Etat-nation, aux yeux
de ses adversaires, ne se désintégrait
pas assez rapidement. D'autant plus que certains pays
se dotaient eux aussi de l'arme nucléaire, rendant
le chantage atomique largement inopérant. Il
fallait donc passer à d'autres opérations
plus subtiles, basées sur la désinformation
et sur la "ringardisation" de toute forme
de patriotisme. Ainsi, il revenait aux médias
complaisants d'assimiler systématiquement les
hommes politiques patriotes à des nostalgiques
d'extrême droite ou à des démagogues
populistes.
A cet égard, la bête noire de Bertrand
Russel et de ses amis de l'oligarchie financière
anglo-saxonne fut le général de Gaulle,
qui avait parfaitement pris la mesure de la menace et
qui s'est donné les moyens d'y faire face. Toutes
les campagnes parfaitement orchestrées pour ridiculiser
la "bombinette" française furent vaines.
D'autant plus qu'en engageant simultanément un
programme de nucléaire civil, le général
créait les conditions d'une réelle indépendance
énergétique et suscitait une. dynamique
de progrès industriel global. Surpris par la
vivacité de la réaction française,
les tenants du gouvernement mondial devaient au moins
éviter que l'exemple français fasse école.
Contrairement à ce qui se dit aujourd'hui, l'existence
de la bombe n'avait pas, initialement, porté
ombrage au nucléaire civil. Jusque dans les années
60, la construction des premières centrales ne
rencontra pas d'opposition. L'utilisation pacifique
de l'atome était même vue sous un jour
positif, à l'image du programme Eisenhower, intitulé
"Les atomes pour la paix", qui proposait la
construction de deux mille réacteurs pour l'an
2000.
Il fallait donc donner une sérieuse impulsion
pour altérer cette image positive. La volonté
d'induire un changement global d'orientation socio-économique
fut présentée publiquement pour
la première fois en mai 1967, lors d'une "Conférence
sur les déséquilibres technologiques et
la coopération", organisée à
Deauville sous l'égide de l'OTAN. Les animateurs
de cette réunion, dont le directeur du Comité
économique de l'Institut Atlantique, Aurelio
Peccei, et Zbigniew Brzezinski, futur conseiller du
président Carter pour la sécurité
nationale, définirent ainsi les nouvelles orientations
de la société mondiale de leur choix.
L'homme dominant la nature grâce à sa maîtrise
scientifique sera remplacé par l'homme intégré
dans une nature aux lois immuables. La "communion
avec la création" se substituera à
l'intervention transformatrice. La technologie remplacera
la science, et l'univers de l'immatériel et du
virtuel celui de l'économie physique. Dans ce
nouvel âge technologique, l'homme ne sera plus
limité à la production de biens matériels,
mais plutôt affecté à la transmission
d'informations et d'idées. C'est la thèse
de la société postindustrielle.
Les institutions politiques seront remodelées
pour mieux refléter cette nouvelle réalité
postindustrielle, d'où la nécessité
d'une démocratie "anticipatoire" qui
viendrait remplacer l'Etat-nation. Le régime
démocratique traditionnel s'effacera devant un
système de "formation continue" de
l'opinion. Ce dernier point est fondamental pour comprendre
le double phénomène qui marque les sociétés
occidentales de cette fin de siècle: l'émergence
irrésistible des organisations non gouvernementales
(ONG), ainsi que l'instauration insidieuse du "politiquement
correct" et du délit d'opinion qui lui est
lié.
En fait, les ONG ont été conçues
dès le départ par l'oligarchie mondialiste
comme un instrument de guerre contre la base industrielle
et énergétique de l'Etat-nation. La percée
décisive des mouvements antinucléaires
à l'échelle internationale a suivi la
décision de plusieurs pays de recourir à
l'atome suite à la crise pétrolière
de 1973. Cette émergence écologiste n'a
été possible qu'avec l'appui des grandes
fondations associées à l'élite
financière anglo-saxonne (voir notre éclairage).
Parmi les organismes qui ont propagé les idées
anti-industrielles, le Club de Rome marqua l'opinion
mondiale avec son fameux rapport de 1972 intitulé
"Halte à la croissance". Ce document
fut rédigé sous l'égide du Comité
économique de l'Institut Atlantique, proche de
l'OTAN, dirigé par Aurelio Peccei, cofondateur
du club en 1968.
Les mêmes thèmes furent portés dans
l'arène politique internationale par la Commission
trilatérale. L'élection surprise de Jimmy
Carter, protégé de cette Commission, a
permis de les appliquer dans la réalité
à travers la politique suivie par les Etats-Unis,
et qui s'articulait alors autour de deux grandes composantes.
La première fut exposée dans le document
Global 2000, commandé en mai 1977 par le président
Carter, et qui devait servir de base à l'orientation
économique et stratégique du Gouvernement
américain.
C'était en fait une remise à jour des
prévisions catastrophistes et des théories
malthusiennes(2) développées dans le sillage
du Club de Rome.
L'autre composante prévoyait, selon l'expression
même de ses concepteurs, une "désintégration
contrôlée de l'économie mondiale".
Cette vision fut présentée dans le Projet
pour les années 80, un document de l'Institut
royal des affaires internationales (RIIA) et du Conseil
pour les relations étrangères de New York
(CFR). Les propositions qui y figuraient ont été
mises en application par Paul Volcker, alors dirigeant
de la Réserve fédérale.
Selon cette doctrine, les Etats-Unis, une fois engagés
dans la voie post-industrielle, devaient soumettre les
autres nations à la même politique. Ce
qui fut en partie accompli par la hausse des taux d'intérêt
que Paul Volcker allait faire grimper, pratiquement
du jour au lendemain, à plus de 20%. Inutile
de chercher plus loin une part essentielle de l'origine
du chômage, pudiquement qualifié de "structurel",
qui frappe les économies occidentales depuis
les années 80.
En fait, toute économie qui crée l'abondance
pour tous - et c'est le cas, potentiellement, d'une
économie reposant sur les technologies nucléaires
- provoque l'éclatement du cadre des ressources
fixes et l'effondrement de la légitimité
du marché comme gestionnaire des ressources rares.
Elle constitue par nature une remise en cause fondamentale
du pouvoir en place, en donnant aux nations le moyen
de se développer par elles-mêmes.
Entre-temps, les Etats-Unis ont engagé une politique
conforme à l'agenda postindustriel défini
sous l'ère Carter. Il s'agissait notamment de
limiter la croissance démographique, surtout
dans les pays du tiers monde, de contrôler la
consommation énergétique en sauvegardant
la prépondérance des agents fossiles,
et de substituer le court terme financier au moyen-long
terme industriel par la déréglementation
de l'économie.
Beaucoup en sont venus à considérer ces
thèses malthusiennes comme allant de soi. Elles
sont parfois exprimées de manière brutle,
comme le fit, par exemple, Jacques-Yves Cousteau. Dans
le Courrier de l'Unesco de novembre 1991, la
grande figure emblématique de l'écologie
proposa de réduire la population humaine de 300
000 personnes par jour, pour arriver à une population
du globe stabilisée autour d'un milliard d'individus,
sans préciser toutefois plus avant comment il
fallait s'y prendre.
Ainsi vont les choses en cette fin de siècle.
Notre propos n'est pas de dire si cette formidable opération
de nivellement de la société est en soi
bonne ou mauvaise. Il est en revanche bon d'avoir une
idée de ce qui se passe dans ce monde, ne seraitce
que pour savoir à quelle sauce nous allons être
mangés. "La scène énergétique
est un monde féroce dans lequel on tue tous les
jours", avait déclaré le Cheikh Saki
Yamani, lors des premières Rencontres suisses
de l'énergie, à CransMontana.
(1) Etude sur les conditions nécessaires
au redémarrage du nucléaire</I>,
Editions Alcuin, Paris
(2) Doctrine qui préconise
la limitation des naissances par la contrainte morale.
Eclairage
Les sponsors du WWF
Il y a plusieurs années, un quotidien romand
avait osé s'étonner de l'engagement très
sélectif du WWF dans le domaine de l'énergie:
d'un côté le dénigrement et l'obstruction
systématiques de l'électricité
hydraulique et nucléaire, de l'autre une curieuse
mansuétude à l'égard des nuisances
provoquées par les énergies fossiles.
Pourquoi cette contradiction? Un élément
de réponse figure dans une étude sur les
origines des mouvements écologistes publiée
par le groupe d'édition Alcuin. Qu'y découvre-t-on?
Que le premier président du WWF International
a été le prince Bernhard des Pays-Bas,
adversaire déclaré du nucléaire,
mais grand actionnaire de la Royal Dutch Shell. Et qui
lui succède en 1977 à la tête de
l'association - John Hugo Loudon, directeur de ce même
groupe pétrolier, gérant de la Fondation
Ford et conseiller financier du groupe Rockefeller.
Il passe ensuite le relais au prince Philip, lui aussi
pourfendeur du nucléaire et actionnaire influent,
par sa royale épouse, de la British Petroleum.
Cette étude souligne aussi les liens très
étroits du WWF avec l'institut d'études
humanistes Aspen, qui fut fondé et longtemps
dirigé par Robert 0. Anderson, président
de la société pétrolière
Atlantic Richfield. Autre figure marquante de l'Aspen:
Maurice Strong, ancien président de la société
Petro-Canada et inspirateur du Sommet de Rio, où
il avait pris toutes les précautions utiles pour
évacuer l'option nucléaire du débat
sur les modifications climatiques.
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