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Juin 1997
La Suisse abandonne sa
souveraineté

Hallucinant!
Le Parlement suisse s'apprête à ratifier
un traité qui privera le pays de sa souveraineté
sur plus de 60% de son territoire. La Convention des
Alpes instaure une juridiction supranationale dont l'application
sera contrôlée, entre autres, par l'ONU,
par le Conseil de l'Europe et par des organisations
non gouvernementales. Au-delà des discours lénifiants,
l'objectif de ce traité est clair: le gel de
tout développement économique, voire la
restauration des sites naturels dans leur état
antérieur.
"Conscients que les Alpes constituent l'un des
plus grands espaces naturels d'un seul tenant ( ...
), qu'elles sont un cadre de vie et un espace économique
pour la population qui y habite (sic) et un habitat
pour de nombreuses espèces animales et végétales
menacées, et qu'il y a lieu d'harmoniser les
intérêts économiques et les exigences
écologiques", huit pays (Allemagne, Autriche,
France, Italie, Liechtenstein, Suisse, Monaco, Slovénie)
et l'Union européenne ont Signé en 1991
La Convention sur la protection des Alpes.
On ne peut qu'adhérer à ce préambule,
tant il est vrai qu'il faut prendre soin des Alpes.
Mais comment? Or la lecture attentive des protocoles
d'application le révèle à toutes
les pages: ce traité a pour objectif la "mise
en réserve" - appelée "protection"
- de la zone alpine. Tout projet d'aménagement
ou de développement y est soumis à de
multiples obstacles et conditions qui le rendent d'emblée
aléatoire.
Cette volonté de geler les activités humaines
montre le bout du nez à l'article 2 des dispositions
générales: "Les signataires assurent
une politique globale de préservation et de protection
des Alpes, en prenant en considération de façon
équitable les intérêts des Etats
alpins, de leurs régions alpines ainsi que de
la Communauté économique européenne,
tout en utilisant avec discernement les ressources et
en les exploitant de façon durable."
Cette déclaration d'intention lénifiante
est suivie de l'énumération des domaines
qui feront l'objet de dispositions contraignantes: population
et culture, aménagement du territoire, qualité
de l'air, protection du sol, régime des eaux,
protection de la nature et entretien des paysages, agriculture
et forêts, tourisme et loisirs, transports, énergie,
déchets. La redondance et les interférences
entre ces divers volets ouvrent la voie à la
multiplication et au "bétonnage" par
la tangente des exigences et des limitations de la Convention.
C'est le cas, notamment, du protocole "Protection
de la nature et entretien des paysages". Son objectif
est d'instaurer des règles "en vue d'assurer
la protection, la gestion et, si nécessaire,
la restauration de la nature et des paysages".
Cette déclaration générale est
suivie, au chapitre des mesures spécifiques,
d'une vingtaine d'articles qui définissent les
obligations visant à protéger la faune
et la flore: multiplication des zones protégées,
réintroduction et propagation d'espèces
sauvages, mise en uvre de programmes d'observation,
d'analyses et de recherches, et même l'interdiction
d'organismes "génétiquement modifiés
par l'homme" (art. 18).
Ce dernier point démontrant, si besoin est, la
participation active d'organisations écologistes
à la rédaction de la Convention. Celle-ci
sera gérée par une "Conférence
alpine" formée de représentants des
pays signataires. Cela étant, l'ONU, ses officines
spécialisées, le Conseil de l'Europe et
les organisations non gouvernementales (ONG) pourront
y déléguer des observateurs.
La prééminence du protectionnisme se retrouve
dans le protocole "Aménagement du territoire
et développement durable". Le préambule
met en balance la nécessité "d'harmoniser
l'utilisation de l'espace alpin avec les objectifs et
les exigences écologiques", et la "promotion
de l'égalité des chances de la population
résidente en matière de développement
social, culturel et économique".
Mais on retrouve, au chapitre des obligations, la priorité
de "la sauvegarde et du rétablissement de
l'équilibre écologique et de la diversité
biologique" et de "la réhabilitation
des milieux naturels et habités dégradés".
Le développement économique n'est justifié
que s'il est "durable", étant entendu
que cette notion de développement durable repose
sur des critères exclusivement écologistes.
En bloquant pratiquement tout projet de développement
par la multiplication d'obstacles administratifs, la
Convention des Alpes aura, pour de nombreuses régions,
des effets particulièrement pervers. Le risque
de sous-exploitation y sera aussi réel que celui
de surexploitation. Et elle perpétuera la cassure
entre les régions développées et
celles qui sont actuellement défavorisées,
en empêchant ces dernières de combler leur
retard.
Mais c'est surtout sur le plan institutionnel que la
Convention présente les risques de dérapage
les plus sérieux. En soumettant l'avenir de la
plus grande partie de son territoire à un carcan
économique et législatif supranational,
la Suisse portera gravement atteinte à sa propre
substance et au principe de l'Etat de droit.
Eclairage
Demain les rivières
L'Union européenne a signé la Convention.
Une signature qui lui confère un droit de regard
sur la mise en uvre des protocoles d'application.
Bruxelles s'est avisée depuis quelques années
déjà que les Alpes constituaient un espace
stratégique et économique de toute première
importance dans la perspective du démantèlement
progressif des entités nationales. Et d'accorder
une attention particulière aux ressources en
eau.
Celles-ci seraient trop précieuses pour être
laissées en main des seuls pays qu'elles irriguent.
La Commission européenne est en train de planche
sur la suppression du "droit du sol" en matière
d'eau potable, désormais considérée
comme un bien communautaire. A cet effet, Bruxelles
envisage pour l'an 2000 la création d'une autorité
de tutelle des grands fleuves qui contrôlera la
gestion des bassins versants. Les pays alpins, qui abritent
la majorité des sources, perdront ainsi la souveraineté
sur leurs rivières.
Le moment venu, la Suisse sera, aimablement mais fermement,
invitée à remettre ses livres de compte
hydraulique à Bruxelles. Et il se trouvera sans
doute des gens, à Berne et ailleurs, pour nous
convaincre de la nécessité d'accéder
à cette demande: il ne faut perdre aucune occasion
de montrer comme nous sommes gentils.
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