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Février 1990
L'envol irrésistible du CO2

Et si, pour changer, nous prenions un peu de recul? Après tout, l'avenir de l'humanité ne se joue pas à Ollon. A l'échelle planétaire, le débat énergétique porte désormais sur la menace climatique. Pour la conjurer, tout le monde en appelle à la modération? "Il faut économiser!" Voilà pour les discours. Mais les faits? Ils sont rudes. Lisez plutôt!

Le monde se partage grosso modo en deux camps. D'un côté les pays riches, ou presque, qui entendent bien le rester ou le devenir davantage. De l'autre, les pauvres qui rêvent de ne plus l'être. Avec, chez les uns et les autres, une démographie en hausse constante.

Telle est la toile de fond sur laquelle se greffent les besoins énergétiques futurs. Inutile de se leurrer: ils sont à la hausse. Le fossé est immense entre les discours sur les économies et les plans de développement des pays. Ainsi la Chine, premier utilisateur de charbon du monde, envisage d'en doubler sa consommation d'ici l'an 2010, alors que l'Inde prévoit de tripler la sienne.

Ces deux pays, qui abritent le tiers de la population mondiale, brûleront bientôt plus de charbon que l'ensemble des pays industriels. Leur cas ne fait qu'illustrer les formidables besoins en énergie que présente le tiers monde pour réaliser enfin son décollage économique. Même si l'on prenait de sérieuses mesures d'économies, la demande en énergie primaire augmentera de 30 à 45 % au cours des quinze prochaines années à l'échelle mondiale. Cette hausse reposera très largement sur les combustibles fossiles. Il est donc clair que "l'effet de serre" n'est pas près de se résorber.

Et l'électricité? Même les scénarios basés sur les hypothèses de croissance les plus faibles font état d'un doublement de la consommation mondiale d'ici l'an 2020 environ. Pour faire face à une telle hausse, il faudra mettre en service tous les 5 jours une installation équivalente à notre centrale de Gösgen (1000 MW). Il sera aussi nécessaire de remplacer les ouvrages vieillissants ou dépassés, qu'ils soient nucléaires ou à combustibles fossiles.

Et c'est là que se joue une partie décisive pour la protection de l'environnement. Si cette électricité additionnelle devait être tirée des combustiles fossiles, il en résultera à l'horizon 2020 une émission supplémentaire annuelle de 16,5 milliards de tonnes de gaz carbonique, qui s'ajouteront aux quelque 24 milliards de tonnes de C02 provenant actuellement de l'activité humaine. Sans compter, bien entendu, les autres polluants: oxydes d'azote et de soufre, hydrocarbures, etc.

Que faire? Développer les énergies dites nouvelles? La biomasse participe d'ores et déjà pour 14 % à la consommation énergétique mondiale. Il s'agit essentiellement des forêts du tiers monde que l'on brûle à tour de bras pour se chauffer et cuire des aliments.

Le solaire? Il présente deux inconvénients majeurs: les immenses surfaces de captage nécessaires (l'équivalent d'une autoroute à travers toute la Suisse pour couvrir 1% de nos besoins en énergie) et son faible rendement (la fabrication d'un panneau exige autant d'électricité qu'il en produira pendant une partie importante de sa durée de vie). Les éoliennes? Il faut plusieurs milliers de grandes hélices pour produire, à vents constants, l'équivalent d'une centrale nucléaire.

Mais revenons à la question essentielle: que pouvons-nous faire pour conjurer la catastrophe écologique menaçante? Réponse de la récente Conférence mondiale de l'énergie, à Montréal: moins de fossiles et plus de nucléaire. Et de rappeler que si l'électricité produite l'an dernier dans des centrales atomiques l'avait été au moyen de com–bustibles fossiles, il en serait résulté une production supplémentaire de quelque 1,5 milliard de tonnes de C02. Un chiffre qui n'est pas dépourvu de significa–tion au regard des 4 milliards de tonnes recommandées comme premier objectif de réduction par la conférence sur le climat à Toronto, en 1988.

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