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Décembre 1999

Le récent accident nucléaire de Tokiamura, au Japon, et les commentaires qui l'ont suivi, témoignent du formidable déficit d'information qui subsiste dans le domaine de la radioactivité. S'agit-il de cette force mystérieuse et diabolique que certains dénoncent? En fait de mystère, la radioactivité est un phénomène tellement connu et maîtrisé qu'on l'utilise aujourd'hui quotidiennement dans les domaines les plus pointus de la médecine, de l'industrie ou de l'agriculture.

La Terre, le ciel et l'homme sont radioactifs. Et certains plus que d'autres: un habitant de Saint-Moritz, parce qu'il habite en altitude, subit une irradiation près de trois fois plus élevée qu'un voisin de la centrale nucléaire de Gösgen. Tel un bruit de fond dans lequel l'homme a toujours vécu depuis son apparition sur terre, les substances radioactives (radionucléides) sont donc omniprésentes. Elles se désintègrent en nous et autour de nous en émettant des rayonnements plus ou moins pénétrants.

Il existe trois types de rayonnement:

1. les rayons alpha notamment présents dans les gisements d'uranium et composés de noyaux d'hélium, pénètrent à peine la surface de la peau mais diffusent une grande quantité d'énergie;

2. les rayons beta présents dans le phosphate naturel, sont constitués d'électrons quatre mille fois plus légers que les particules alpha. Ils pénètrent jusqu' à deux centimètres de tissu humain;

3. les rayons gamma sont beaucoup plus pénétrants mais de moindre intensité. lis se manifestent sous forme d'ondes électromagnétiques, comme la lumière émise par le Soleil ou les rayons X, mais d'une longueur d'ondes plus faible.

Même comportement
Que leur source soit naturelle ou artificielle, ces rayonnements ont le même comportement. En traversant la matière, ils transmettent de l'énergie aux atomes qui la constituent et dont ils arrachent des électrons, Créant ainsi des ions (atomes n'ayant plus leur compte d'électrons). C'est le phénomène d'ionisation, point de départ de toutes les transformations que les rayonnements peuvent provoquer en traversant la matière.

La radioactivité est universelle. Le Rhône charrie en une année près de cent tonnes d'uranium naturel qui proviennent en partie du ruissellement des pluies sur les massifs cristallins. Les eaux minérales aussi contiennent des radioéléments, découverts au début du siècle et dont l'action est vantée de longue date par les dépliants de certaines stations thermales. D'anciennes étiquettes de bouteilles arboraient fièrement "Eau la plus radioactive du monde".

Le radon est le principal facteur d'irradiation d'origine terrestre. Il constitue à lui seul la source de plus de la moitié des rayonnements radioactifs naturels. Gaz inodore, le radon se diffuse parfois loin de son point originel situé dans la roche. A travers failles et fentes du terrain, il remonte à la surface du sol pour se répandre dans l'air et dans l'eau. Sa concentration dépend donc essentiellement de la nature du sol. Son terrain de prédilection? Les régions granitiques. Raison pour laquelle on enregistre dans certaines zones alpines des taux d'irradiation naturelle deux à trois fois plus élevés que sur le Plateau.

Spationautes exposés
L'atmosphère contient de multiples radionucléides, comme le carbone 14, le tritium, le sodium 22 ou le béryllium 7, formés à chaque instant par interaction des rayonnements dits secondaires qui réagissent pour former de nouvelles particules (gamma notamment, mais aussi des neutrons). Le tritium, par exemple, est un isotope de l'hydrogène.

Autre radioélément né dans la haute atmosphère: le carbone 14, brassé dans la circulation de l'air, issu de la rencontre des particules cosmiques avec des atomes d'azote. Sous l'influence du champ magnétique de la Terre, ces particules radioactives sont de plus en plus nombreuses à mesure qu'on se rapproche des pôles. D'autres sont arrêtées par l'atmosphère terrestre. On relève deux fois plus de particules à haute altitude qu'au niveau de la mer.

Pas étonnant, dans ces conditions, que les spationautes soient particulièrement exposés. Sur la station MIR (à 400 kilomètres d'altitude), par exemple, on a mesuré une dose moyenne d'un millisievert par jour et par individu. Quant à la dose absorbée par les passagers d'un avion lors d'un aller-retour Paris-Los Angeles (vingt-deux heures de vol à 10 000 mètres d'altitude), elle atteint 0,056 millisievert. Et on a relevé 0,307 millisiervert chez un pilote ayant effectué un aller-retour Paris-Tokyo par le pôle Nord.

Indispensable à la vie
L'homme est donc soumis quotidiennement à une irradiation externe et interne en provenance de la Terre et de l'atmosphère. On estime à environ deux à trois millisieverts (ou 200 à 300 millirems) par an son exposition moyenne à l'irradiation d'origine naturelle, externe et interne. Son propre corps est radioactif: outre le carbone 14 (l'uranium et le radium), il contient du potassium, indispensable à la vie, dont l'isotope 40 est radioactif. Près de cinq cent mille désintégrations se produisent toutes les minutes en chacun de nous, avec l'émission de rayons alpha, beta et gamma.

Nous sommes également soumis à une radioactivité d'origine artificielle. Qui, par exemple, n'a pas subi d'examen radiologique (0,5 millisievert pour une radiographie pulmonaire)? Qui ne s'est jamais tenu devant un poste de télévision (0,005 millisievert par heure à cinq centimètres d'un appareil récent), ou n'a jamais porté de montre à cadran lumineux (environ 0,02 millisievert par an)?

En fait, la radioactivité est universelle. Aujourd'hui, l'homme a si bien maîtrisé ce phénomène qu'il peut en tirer un formidable éventail d'utilisations dans la médecine, l'énergie, l'agriculture, la science et la technique. Lors d'un exposé présenté pour célébrer le récent centenaire des rayons X, le Dr André Flückiger, président du Groupement des radiologues FMH de la Société vaudoise de médecine, estimait que l'utilisation de la radioactivité en médecine a probablement permis de sauver plus de vies humaines au cours du dernier siècle que toutes les guerres ont fait de morts pendant cette même période.

Les seuils d'irradiation (en millirems)

Plus de 600 000 mrem: décès rapide

200 000 - 600 000 mrem: taux de mortalité variable

50 000 - 200 000 mrem: possibilité statistique d'induire un cancer

5000 mrem: limite légale pour les personnes exposées professionnellement

400 mrem: irradiation naturelle moyenne de la population suisse

280 mrem: irradiation supplémentaire maximale due à Tchernobyl

150 mrem: irradiation moyenne due à la médecine

1 mrem: dose annuelle supplémentaire reçue par les voisins d'une centrale nucléaire.

Le becquerel (Bq) mesure l'activité d'une source radioactive, 1 Bq correspond à une désintégration d'un atome par seconde. Le sievert (ou rem) exprime l'effet biologique des rayonnements ionisants sur les organismes vivants.

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