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Mai 1987
A propos de Galmiz-Verbois

La rumeur

Bruit confus que produisent un grand nombre de personnes disposées à la violence ou à la protestation: telle est la définition qu'en donne le "Robert". Or la rumeur c'est d'elle qu'il s'agit est désormais une composante indissociable de la politique énergétique. Elle l'emporte de plus en plus souvent sur la raison. L'actuelle controverse sur la ligne romande à très haute tension en est un saisissant témoignage.

L'accident de Tchernobyl et ses retombées constituent un terrain extraordinairement fertile pour la propagation des rumeurs. La dernière en date provient de Berlin et fait état d'une augmentation significative des malformations de nouveau-nés au cours des derniers mois. La nouvelle a fait le tour de la presse, bien que son origine n'ait pas été clairement établie. Le démenti des services berlinois de la santé publique, lui, est passé inaperçu.

Autre rumeur issue de Tchernobyl: les paris sur les cancers. C'est à qui annonce le plus grand nombre de victimes potentielles. Dernier pronostic annoncé: 15 000 cancers ces 50 prochaines années en Union soviétique. A première vue, le chiffre impressionne. Mais ce qu'on ne dit pas dans la même foulée, c'est qu'au cours des 50 années à venir, près de 30 millions de Soviétiques mourront du cancer. Sauf, bien sûr, découverte d'un remède miracle susceptible de réduire ce chiffre.

La forêt est elle aussi génératrice de rumeurs. Profitant du débat sur son dépérissement, des milieux antinucléaires ont aussitôt évoqué des "études" et "rapports" établissant la responsabilité de la radioactivité émanant des centrales nucléaires. Encore une fois, la nouvelle a été amplifiée par les médias sans éclairage critique. Pourtant, l'absurdité de cette accusation est aveuglante. Prenons le cas de Gösgen. Cette centrale ajoute moins d'un millirem par an aux quelque 150 mrem de radioactivité naturelle enregistrés dans ses environs immédiats. Or, dans les Alpes, où la forêt est abondante, la radioactivité atteint des taux de 250 mrem.

C'est dire que si les arbres étaient incommodés par de tels taux de radioactivité, il y a des millions d'années que les forêts auraient disparu de cette Terre. Voilà qui paraît clair. Mais parions que la rumeur, elle, continuera son petit bonhomme de chemin.

Tout ce qui touche à l'énergie tombe aujourd'hui dans le domaine de l'irrationnel. Voilà que surgissent du néant des "experts" qui clament haut et fort que tout ce qu'on a cru jusqu'ici n'était qu'un fatras d'âneries et qu'ils se chargeaient, eux, d'éclairer les gens sur la réalité des choses.

Les lignes électriques n'échappent pas au phénomène. Au moment où la controverse Galmiz-Verbois démarre, la presse fait état de "rapports troublants" sur les effets de la très haute tension. On découvre tout à coup que celle-ci décime des troupeaux de bovins paissant à proximité des lignes, ou qu'elle empêche les enfants de dormir, provoquant chez eux des troubles névrotiques.

Impossible, bien sûr, d'obtenir les sources scientifiques de ces allégations. Mais qu'importe! La rumeur fait son chemin, créant un climat de suspicion qui favorisera les campagnes de dénigrement. Et lorsque les véritables spécialistes - en l'occurrence les fabricants et exploitants de lignes - tentent de ramener le débat à un niveau plus sérieux, ils se voient reprocher d'être "payés" pour défendre leur point de vue.

Même s'ils s'appuient sur des sources les plus incontestables: dans son rapport "Environment health critéria 35 - Extremely low frequency (ELF) fields", l'Organisation mondiale de la santé souligne que les champs électromagnétiques des lignes électriques ne sont pas nuisibles pour la santé de l'homme, et qu'il n'est pas nécessaire de limiter l'accès sous les lignes à haute tension.

La rumeur, on le voit, agrémente d'austères dossiers techniques de quelques notes folkloriques et dramatiques qui ne porteraient pas à conséquence dans d'autres domaines plus légers. Mais en faussant le débat énergétique, elle ouvre la voie à des lendemains incertains.

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