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Mars 2004

Qu’elle est difficile, l’ouverture du marché de l’électricité! Alors même que l’Europe ouvre le sien aux clients professionnels, la Suisse patauge dans la perplexité. Pour l’heure, une seule certitude: le monopole est mort. Tué par une décision du Tribunal fédéral. Une lueur, toutefois: notre retard permettra de tirer les leçons des ratages de la libéralisation à l’étranger. Mais comment faire?



Une chose, au moins, est claire: en désavouant une entreprise qui refusait de laisser transiter sur son réseau de l’énergie pour le compte d’un concurrent, le Tribunal fédéral a donné le coup de grâce au monopole. Ce verdict va dans le même sens qu’une prise de position de la Commission de la concurrence, désormais opposée elle aussi au principe du monopole.

L’ouverture du marché suisse de l’électricité paraît donc inéluctable. Mais bon, dans ce pays, les choses ne sont jamais simples. Les citoyens ont rejeté en 2002 un projet de libéralisation. Nous sommes en démocratie. Il n’est donc pas question de passer comme chat sur braise sur ce refus pour nous conformer à la situation internationale et à un marché qui, par certains aspects, est effectivement ouvert.


Flou artistique

Pour dénouer le blocage issu du refus par le peuple de la LME, le Conseil fédéral a chargé une commission d’experts de plancher sur la question et de faire des propositions. Comme il est de coutume, un tel groupe de travail est composé de représentants de tous les milieux concernés. La commission dite "pour l’organisation du secteur de l’électricité" n’échappe pas à la règle. Présidée par une ancienne conseillère d’Etat bernoise, elle comprend des électriciens, des syndicalistes, des écologistes, des grands consommateurs, des fonctionnaires fédéraux et cantonaux, des économistes et des membres d’associations faîtières.

Comment une assemblée aux aspirations et intérêts aussi divergents allait-elle s’acquitter de son mandat? Mal, si l’on en juge d’après les premiers communiqués de la commission. Elle propose le libre choix du fournisseur pour les gros clients (plus de 100 000 kWh/an) dès 2007, puis l’ouverture pour tous dès 2012, mais avec un référendum facultatif. Ce modèle est d’emblée rejeté par une minorité de la commission, mais qui consentirait toutefois, à certaines conditions, à soutenir la première étape.


Quelle transparence?

Bref, on nage dans un superbe flou artistique, dans lequel il est question d’une "solution consensuelle" pour les détails techniques, alors même que l’on est en désaccord sur les questions de principe sur le type d’ouverture et son échelonnement. On parle de libéraliser, mais on introduit simultanément le principe d’une quote-part des énergies renouvelables pour amadouer les écologistes, représentés notamment par le syndic de Lausanne, Daniel Brélaz, et un représentant du WWF. Pour rassurer ces mêmes écologistes, on précise le rôle de l’hydraulique et des "autres sources renouvelables", mais sans mentionner le nucléaire, comme s’il n’existait pas en Suisse.

Il est, dans ce rapport, beaucoup question de transparence. Pour la promouvoir, la commission préconise "une comptabilité par unité finale d’imputation pour les taxes d’utilisation du réseau", formule particulièrement transparente s’il en est. Nous vous renvoyons aussi au point 3 du rapport, qui évoque les éléments prioritaires de la nouvelle organisation du domaine de l’électricité: "En réponse à l’évolution du secteur au niveau européen, il faut réaliser dès la phase transitoire précédant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi certains éléments définis comme prioritaires".

Pouce! Merci de nous écrire pour nous aider à décortiquer ce subtil charabia.


Ratage

Que les membres de la commission, parmi lesquels nous comptons des amis, nous pardonnent notre franchise: ils ont raté l’occasion de rappeler les véritables enjeux de la libéralisation. Ils n’ont pas su, ou pas voulu situer l’économie électrique suisse dans son environnement européen, ni rappeler son rôle central dans les échanges d’énergie. On ne trouve dans leur rapport pas la moindre prémisse d’une stratégie claire quant aux modalités de l’ouverture.

La peur, ici comme ailleurs, est mauvaise conseillère. Nous l’avons dit: le monopole a vécu. Certains peuvent le regretter, mais c’est un fait. Or nous sommes convaincus que l’économie électrique suisse est bien outillée pour faire face à ce défi. Un approvisionnement assuré, qui repose très largement sur une production indigène, un parc de centrales largement amorti, une situation privilégiée dans l’interconnexion européenne, une conscience élevée de service public, la maîtrise de la gestion du réseau, des entreprises bien gérées: les conditions de succès sont réunies.


Choix réel

Les conditions économiques se présentent elles aussi sous un jour favorable. Etant donné que les prix, en Suisse, sont de 30% à 40% plus élevés qu’en moyenne européenne, ils ne pourront que diminuer dans le cadre d’une ouverture équilibrée du marché. Et la libéralisation n’est pas synonyme de privatisation. Compte tenu de sa structure particulière, l’économie électrique suisse, tout au moins dans le domaine de la distribution, devrait rester largement en mains des collectivités publiques. Enfin, la diversité de la branche et le nombre élevé des entreprises du pays garantira une liberté de choix réelle.

Il est une exigence, néanmoins, à laquelle l’Etat ne peut se soustraire: la sécurité d’approvisionnement à des conditions économiques supportables. Il doit se donner les moyens d’intervenir le cas échéant, mais en toute dernière extrémité. Pour le reste, compte tenu de la disparition du monopole et des échéances européennes, l’objectif global est clair: une ouverture rapide et totale du marché, avec une réglementation minimale.

Il revient aujourd’hui aux professionnels de la branche de démontrer leur capacité de préparer et de mettre en œuvre une libéralisation équilibrée et couronnée de succès. Et rien ne permet de douter qu’ils en aient les moyens.

La confiance sera un ingrédient décisif de la réussite.



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