Stockage d’électricité: le point névralgique du tournant énergétique

Avec la Stratégie énergétique 2050, la part actuelle d’énergie nucléaire d’environ 40 % en Suisse doit être remplacée par des énergies renouvelables. On n’y parviendra qu’en stockant les «excédents» d’énergies renouvelables.

La Stratégie énergétique 2050 prévoit un abandon de la production d’énergie nucléaire suisse. Pour y parvenir, la méthode retenue pour l’instant consiste à développer le plus possible les nouvelles énergies renouvelables.

Le défi du stockage

La focalisation sur les nouveaux renouvelables engendre toutefois de nombreux défis. L’un d’entre eux consiste à intégrer dans le réseau les sources d’électricité renouvelable à intensité variable, et dépendantes de la météo. Le photovoltaïque et l’éolien ne fournissent pas d’électricité quand on en a besoin, mais quand le soleil brille ou que le vent souffle. Il faut donc tenter de contrebalancer la volatilité de la production.

Le stockage de l’électricité produite est le moyen le plus adapté pour y parvenir. Il permet de capter les excédents temporaires d’électricité, de les stocker puis de les remettre à disposition lorsque la demande existe. Le stockage de l’électricité constitue donc la clé du succès des énergies renouvelables.

Trop peu d’accumulateurs adaptés

A l’heure actuelle, toutefois le problème du stockage de l’électricité n’est toujours pas résolu en Europe. Par conséquent, les pays qui misent fortement sur l’énergie solaire et éolienne ont toujours besoin de centrales thermiques fossiles ou de l’hydraulique, renouvelable traditionnel, pour produire l’électricité nécessaire les heures et les jours sans vent ni soleil. Il faut alors exploiter deux parcs de production électrique différents: l’un destiné à une production aléatoire en fonction de la météo et l’autre de production d’une électricité réglable comme l’hydraulique et le fossile avec garantie d’injection pour l’électricité provenant des nouvelles énergies renouvelables.

A l’instar de l’Allemagne, la Suisse mise visiblement sur le développement massif du photovoltaïque, ce qui nécessite cependant des accumulateurs à court terme mais aussi saisonniers, car l’électricité photovoltaïque est surtout produite au cours des mois d’été ensoleillés, alors qu’en hiver la production est considérablement plus faible.

Stockage d’électricité, des perspectives intéressantes à moyen terme

Théoriquement les technologies relatives au stockage de l’électricité sont nombreuses. Mais elles ne sont pas toutes à un stade de développement suffisamment avancé pour être utilisées à échelle industrielle. D’autres comme le pompage-turbinage présentent des coûts d’investissement difficile à rentabiliser dans le contexte actuel. L’Office fédéral de l’énergie privilégie actuellement deux technologies qui sont destinées au stockage à moyen et long terme des énergies renouvelables: les centrales de pompage-tur-binage et le Power-to-Gas (voir tableau). Les batteries constituent aussi certainement une technologie d’avenir pour la faible puissance et la proximité.

  • Les centrales de pompage-turbinage sont actuellement les plus efficaces. 99 % de la puissance de stockage installée dans le monde repose sur cette technologie. En Suisse, d’autres capacités significatives sont actuellement en cours de développement ou en projet: Linth-Limmern (puissance de turbinage de 1480 MW), Lago Bianco (puissance de turbinage de 1000 MW), Nant de Drance (puissance de turbinage de 900 MW) et Grimsel 3 (puissance de turbinage de 660 MW). Mais les conditions actuelles du marché ont fortement affecté l’environnement propice aux investissements en Suisse. Depuis que l’Allemagne inonde le marché avec du courant bon marché hautement subventionné issu du photovoltaïque, le modèle économique reposant sur la vente d’énergie de pointe issue de centrales de pompage à midi connaît de grands bouleversements. L’exploitation des centrales de pompage-turbinage n’a donc presque plus d’intérêt. C’est pourquoi certains projets de développement de capacités de stockage dans les Alpes sont reportés.
  • Le Power-to-Gas est un procédé chimique qui consiste à transformer l’électricité provenant des nouvelles énergies renouvelables en gaz combustible (méthane ou hydrogène) au moyen de l’électrolyse et parfois de la méthanisation. Le gaz combustible peut ensuite être injecté par exemple dans le réseau de gaz ou, selon la saison, être stocké jusqu’à sa transformation en énergie électrique. En raison de ses coûts élevés et de son faible rendement, le Power-to-Gas ne constitue pas encore une alternative. Cette technologie ne sera véritablement intéressante que lorsque la part des énergies renouvelables représentera nettement plus de la moitié de la production électrique.
  • Les batteries sont parfaitement adaptées à la fourniture de services-système et à l’enregistrement décentralisé dans les réseaux de distribution; elles conviennent donc plutôt pour les niveaux de tension bas. Des batteries sont déjà utilisées comme dispositif de stockage de courant stationnaires, comme les batteries au plomb. Mais par comparaison, l’utilisation de batteries reste onéreuse. Toutefois, l’évolution technologique et leur utilisation plus fréquentes devraient s’accompagner d’une forte baisse des coûts, favorisant ainsi largement leur utilisation. Les batteries entrent dans la catégorie des sources d’énergie chimiques. Les technologies importantes actuelles sont les batteries lithium-Ion, les batteries au plomb, les accumulateurs nickel-hydrure métallique (NiMH) et nickel-cadmium, les batteries à flux, les batteries sodium-soufre et la batterie Zebra. Des paramètres importants tels que la durée de vie, l’efficacité technique (degré d’efficacité), la puissance et la capacité de stockage permettent de distinguer ces technologies entre elles, conduisant ainsi à des possibilités d’utilisation diverses. L’éco-compatibilité des technologies utilisées pour les accumulateurs jouera en outre un rôle important à l’avenir.

utilisations possibles

Conclusion

Sans capacités de stockage disponibles, un développement massif des nouvelles énergies renouvelables en Suisse n’a guère de sens. En effet, sans la possibilité de stocker les excédents qui peuvent être consommés de manière flexible en l’absence de vent ou de soleil, les nouvelles énergies renouvelables ne permettent pas une réelle sécurité d’approvisionnement. Les décisions relatives au développement massif des nouvelles énergies renouvelables et au tournant énergétique ont dû être prises, de manière générale, sans connaissance complète des conséquences. Les énormes coûts du développement des capacités de stockage nécessaires n’ont encore jamais été chiffrés. Actuellement ce sont les nouvelles énergies renouvelables, en particulier le photovoltaïque, qui cannibalisent les centrales de pompage-turbinage notamment, bien que celles-ci soient absolument nécessaires au succès des nouvelles énergies renouvelables. On y revient toujours, sans adaptation des subventions et développement des technologies de stockage, on s’enferme dans un cercle vicieux.

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