Prime de marché : un soutien bienvenu, mais encore insuffisant

« Sans grande hydraulique, pas de virage énergétique ». La Commission de l’énergie du Conseil des États (CEATE-E) semble avoir enfin mieux compris cette affirmation. Le 19 avril dernier, elle a proposé au Conseil des États de se rallier au principe de la prime de marché, modèle adopté en mars 2016 par le Conseil National. La Commission a également renoncé à imposer une affectation de ces ressources à la maintenance des installations hydrauliques. Cette décision représente un pas dans la bonne direction, bien qu’encore insuffisant.

La prime de marché permettra de compenser une partie des pertes réalisées par les installations hydrauliques d’une puissance supérieure à 10 MW. Celles-ci bénéficieront d’une prime maximale de 1,0 ct/kWh pour l’électricité vendue au prix de marché et en deçà du prix de revient. Nous sommes – heureusement – bien loin du modèle d’assainissement du Conseil des États, monstre bureaucratique dont l’efficacité aurait été discutable.

Limitée dans le temps et plutôt aisée à mettre en oeuvre, cette solution accordera un soutien ciblé aux entreprises soumises aux conditions du marché et qui, de ce fait, doivent vendre leur électricité en dessous de son prix de revient. Elle constitue une réponse pleine de bon sens à la difficile situation de la grande hydraulique suisse et permet d’éviter le système d’arrosoir.

Autre bonne nouvelle : la Commission demande au Conseil fédéral de soumettre à l’Assemblée fédérale un projet visant à remplacer le système actuel de rétribution à prix coûtant (RPC) à son échéance. Plus proche des mécanismes du marché, celui-ci pourrait soutenir toutes les énergies renouvelables, dont la grande hydraulique. Une véritable nouveauté qui introduit enfin une forme d’équité entre toutes les énergies renouvelables. Jusqu’à présent, seules les installations hydroélectriques d’une puissance inférieure à 10 MW pouvaient en bénéficier.

Un premier pas qui en appelle d’autres

La grande hydraulique suisse est-elle pour autant sauvée ? La réponse est malheureusement non. Ce soutien, quoique bienvenu, n’est pas suffisant. En effet, l’énergie hydraulique connaît une perte de rentabilité durable en raison d’une situation concurrentielle tronquée à la fois sur le marché intérieur et européen. Selon une étude de swisselectric (voir graphique), une centrale au fil de l’eau connaît en moyenne une perte de 2,8 ct par kWh produit. La situation est encore pire du côté des centrales à accumulation, avec un déficit de 3,7 ct/kWh. Malgré tous les efforts des producteurs d’hydroélectricité pour réduire les coûts de production, ceux-ci restent près de deux fois supérieurs au prix de marché. Une perte annuelle d’environ un milliard de francs pour la force hydraulique suisse est ainsi à prévoir. La moitié de cette perte pourra être répercutée sur les consommateurs captifs en tant que « rente de monopole » dans l’approvisionnement de base. Les producteurs d’électricité qui n’ont pas accès aux consommateurs finaux perdront donc 500 millions de francs par an. Or, la prime de marché représente un montant de 120 millions de francs par an, prélevé à hauteur de 0,2 ct/kWh sur le prix du courant. Un gouffre reste donc encore à combler avant le retour à une situation pérenne.

La grande hydraulique a rapidement besoin de nouvelles conditions-cadres et la révision de la redevance hydraulique constitue une autre mesure qui lui permettra de se battre à armes égales sur le marché. A l’époque des monopoles, cette taxe était financée par les consommateurs finaux. Avec le découpage de la chaîne de valeur instauré par la loi en 2009, elle repose désormais entièrement sur les épaules des producteurs et représente un trop lourd fardeau (25 à 30 % du prix de revient). Dans un article publié dans Le Temps le 20 avril dernier, Mme Doris Leuthard a reconnu la nécessité de la modifier. Un système de redevance flexible, avec un socle fixe et une part variable pourrait être envisagé dans un futur proche. Afin de rétablir un certain équilibre, consommateurs finaux et producteurs contribueraient, ensemble, à son financement.

Force hydraulique suisse :1 milliard de CHF de pertes par an

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