Dernière ligne droite pour l’adoption du premier volet

Rares sont les thèmes politiques qui auront donné ces dernières années autant de fil à retordre au Parlement fédéral que le premier paquet de mesures de la Stratégie énergétique 2050. Tous les voyants semblent à présent au vert pour un vote final à la session d’automne 2016. Mais les perspectives à moyen terme restent mitigées.

En mai 2011, deux mois seulement après le séisme dévastateur de Tohoku au Japon et l’accident nucléaire qui s’en est suivi à Fukushima, le Conseil fédéral a présenté la Stratégie énergétique 2050 et le principe d’abandon progressif du nucléaire qu’elle im- plique. Un premier paquet de mesures doit permettre d’intégrer systématiquement les potentiels d’efficacité énergétique existants et d’exploiter les potentiels en matière de force hydraulique et de nouvelles énergies renouvelables (solaire, éolien, géothermie, biomasse). Le système de subvention par une rétribution à prix coûtant du courant injecté (RPC) financée par une taxe perçue sur le courant doit faciliter l’installation de nouvelles énergies renou- velables et maintenir la force hydraulique existante.

Le Conseil des Etats corrige le projet du Conseil fédéral

Le Parlement a toutefois interprété à sa manière la proposition du Conseil fédéral. A la fin de l’année passée, le Conseil des Etats, en particulier, a apporté au projet d’importantes modifications, reprises dans une large mesure par le Conseil national. En ce qui concerne la RPC, le Conseil des Etats a ainsi introduit une clause «sunset». Cela signifie que dès la sixième année suivant l‘entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’énergie, soit entre 2023 et 2024, plus aucune installation ne pourra être admise dans le système d’encouragement. Et les rétributions uniques et contri- butions à l’investissement ne seront plus versées à partir de 2031.

Le Conseil des Etats a également rejeté les mesures d’efficacité énergétique touchant les entreprises d’approvisionnement en électricité (EAE). Sous peine de sanctions financières, les EAE au- raient sinon été tenues de veiller à ce que leurs clients réduisent leur consommation d’énergie.

Le débat le plus houleux a porté sur l’abandon du concept d’exploitation à long terme des centrales nucléaires. Au Conseil des Etats, l’idée s’est imposée que l’arsenal législatif et les com- pétences de la Confédération et de l’inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) suffisaient à garantir en permanence la sécurité des centrales nucléaires. De nouvelles contraintes au- raient été inutiles.

Dernière ligne droite pour l’adoption du premier volet

Dans la perspective du vote final lors de la session d’automne 2016, deux divergences de taille subsistent. Début juillet 2016, la Commission de l’environnement, de l’aménagement du ter- ritoire et de l’énergie du Conseil national (CEATE-N) a procédé à l’ultime examen des divergences. S’agissant du soutien à la grande hydraulique (art. 33a LEne), la commission a décidé de se rallier intégralement au modèle adopté par le Conseil des Etats.

Doivent ainsi être subventionnées les centrales hydrauliques existantes dont les coûts de production s’avèrent supérieurs à ceux du marché. Il est prévu que la prime de marché s’élève à un centime par kilowattheure, au maximum toutefois à 120 millions de francs par an. Les subventions seront financées par la RPC à hauteur de 0,2 centime. Mais ces subventions ne suffiront de loin pas à couvrir les pertes de plus de 700 millions enregis- trées chaque année par les entreprises productrices d’électricité hydraulique. Même avec un allègement de près d’un demi-mil- liard de la charge fiscale pesant sur le secteur de l’énergie hy- draulique, il subsisterait un déficit (cf. graphique).

En ce qui concerne les déductions fiscales controversées, la CEATE-N ouvre également la voie à un compromis. Ainsi, elle soutient la déduction des coûts de démolition d’un bâtiment en vue d’une construction de remplacement, telle que prévue par le Conseil des Etats. Elle souhaite cependant pouvoir étaler la déduction sur deux périodes fiscales. Le Conseil des Etats juge cette extension temporelle inutile et bureaucratique. La version initiale du Conseil national prévoit une déductibilité sur quatre périodes fiscales de tous les coûts de reconstruction.

Avec ces décisions, la CEATE-N devrait avoir créé les conditions pour que le premier paquet de mesures de la Stratégie énergé- tique trouve une majorité au Parlement lors du vote final dans les deux chambres. On ne peut certes exclure qu’un groupe parlementaire dépose une proposition pour rejeter le projet. Le risque est toutefois faible qu’elle aboutisse.

Un bilan sans illusion

C’est un bilan sans illusion que l’on peut tirer de ce premier pa- quet de mesures de la Stratégie énergétique 2050: l’électricité coûtera plus cher, étant donné que la RPC passera de 1,5 à 2,3 centimes par kilowattheure. La sécurité d’approvisionnement sera moindre, car l’énergie en ruban fournie par les centrales nucléaires devra être remplacée par une énergie aléatoire et non planifiable issue des énergies renouvelables. Les mesures prises n’auront pas d’impact positif sur l’environnement puisque, au- jourd’hui déjà, le mix énergétique suisse génère pas ou très peu de gaz à effet de serre.

En revanche, le Parlement a étoffé la loi sur l’énergie de nom- breux articles, a développé et scellé pour des années des sub- ventions pour l’hydraulique et les nouvelles sources d’énergie renouvelables. Mais pour le secteur énergétique, peu de choses ont changé. Ce sont notamment les ménages et les PME dont la voix a peu porté qui paieront l’addition. On ne s’étonnera dès lors pas de constater que, si rares sont ceux qui parmi les parlementaires ou groupes d’intérêt se disent convaincus par la nouvelle loi sur l’énergie, rares sont également ceux qui se déclarent mécontents du résultat.

Mais le pire est à venir. Le premier paquet de mesures permettra de réaliser éventuellement la moitié des objectifs de politique énergétique de la Stratégie énergétique 2050. Il faudra définir un second paquet de mesures qui comprendra essentiellement des taxes d’incitation radicales sur le courant et les énergies fossiles. Jusqu’à présent, le peuple suisse a toujours opposé un net refus aux taxes incitatives dans le secteur de l’énergie. Il est donc tout à fait possible que la Stratégie énergétique 2050 reste bloquée à mi-parcours.

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